♦ Ichigo Ichie {feat. Tachi} ♦

Ichigo Ichie ”
Nouveau départ, nouveau jeu .

08h25 - Le réveil sonna. Encore dans les bras de Morphée, Aya sursauta brutalement à l'entente de la stridente sonnerie et elle se cogna bêtement la tête avant de rouler sur le sol, une main plaquée sur le front, observant avec difficulté les lieux. Elle se trouvait dans sa chambre, au manoir Ishikawa. Les fenêtres étaient entrouvertes et les rayons du soleil passaient sans difficulté, se posant sur son futon. Car, en effet, au manoir Ishikawa, même la Ojiosama dormait à même le sol sur un futon. Un lit ? Pourquoi faire ? Les lits, disait le père d'Aya, c'était pour les fainéants, ceux qui pouvaient se permettre de dormir confortablement étaient les idiots qui pensaient qu'on n'oserait pas les attaquer dans leur sommeil. Et les futons prenaient moins de place. Aya souffla, la main toujours plaquée sur son front, priant pour ne pas avoir une bosse, un bleu, même une marque. Pas son premier jour... Pas le jour ou elle allait enfin échapper au contrôle de son père. Elle se redressa et clopina vers la salle de bain, s'y enfermant pour se débarbouiller. Naoko, une vieille gouvernante présente depuis bien 30 ans dans le manoir, passerait la chercher dans 20 minutes. Elle prendrait un petit déjeuner traditionnel japonais, en compagnie de son père, puis, elle irait prendre ses affaires déjà empaquetées et sortirait du manoir, accompagnée de deux yakuzas, son sac sur l'épaule, le reste dans un camion qui les suivrait, eux-mêmes dans une voiture noire aux vitres teintées.

Elle haussa les épaules et se brossa les dents, peignit ses longs cheveux noirs et observa son reflet dans le miroir. Elle avait des cernes immenses, ayant joué aux jeux-vidéos toute la nuit avant de se coucher pour dormir trois, quatre heures. Elle rattraperait ça le soir-même. En attendant, elle se maquilla légèrement pour que son père ne s’aperçoive de rien.
Elle sortit de la salle de bain au moment-même ou Naoko entrait dans la chambre. Elle avait revêtu sa tenue habituelle, son slim serré noir et son t-shirt large gris, dissimulant les couteaux attachés à sa taille mais dont les manches courtes et tombantes dévoilaient ses tatouages, sa fierté. Elle lui sourit et la suivit docilement vers la salle à manger.

09h00 - Le petit-déjeuner commença. Après avoir prononcé le "Itadakimasu" habituel, Aya attendit que son père donne le premier coup de baguette dans son riz avant de se servir elle-même. Hors de question de le contrarier en ce si beau matin, ce merveilleux matin ! Il pouvait encore changer d'avis. Ils mangèrent en silence, lentement, bien qu'Aya finisse rapidement ses plats, pressée d'en finir et de s'en aller. Se contraindre à l'immobilité n'était pas dans ses habitudes. Elle se mordit la lèvre en observant son père boire son thé lentement. Elle devait tenir. Il finit par lever les yeux vers elle, la contemplant en silence.

- Aya.
- Oui, Ottosama ?
- Aujourd'hui, tu t'en vas. C'est un nouveau départ, une nouvelle vie t'attends. Profites-en à sa juste valeur.
- Oui, Ottosama. Je vous le promet.

Son père lui sourit, puis se leva, l'invitant à faire de même. Elle se redressa et le suivit jusqu'aux arches de bois conduisant à l'entrée. Elle les regarda en souriant, ravie d'échapper également à la transformation désagréable qu'elle subissait à chaque entrée.
Elle sentit la libération en se rendant jusqu'à l'entrée, ou Shoji et Kyan l'attendaient. Elle les connaissait bien, à peine plus jeune qu'eux, ils étaient souvent ses compagnons de sortie. Leurs pères étaient également du clan Ishikawa, elle les avait donc fréquentés souvent lors de son enfance. Elle avait également été dans le même lycée qu'eux, et sans aucun doute, ils étaient ses amis. Ils s'inclinèrent et prirent son sac qu'ils mirent dans la voiture, Kyan s'installant à l'arrière tandis que Shoji prenait le volant. Aya regarda son père qui la serra contre lui un bref instant avant de la pousser vers la voiture. Elle lui sourit.

- On se revoit bientôt, Ottosama.

Elle entra dans la voiture, s'affalant sur la banquette arrière, à côté de Kyan qui la regardait en souriant.

- Alors, Ojiosama, tu nous quittes ?
- On dirait bien.
- Je suis si triste ! Tu passeras nous voir à Shibuya, les soirées ou tu t'ennuieras ?
- J'sais pas, vous allez pas me manquez les têtes brûlées !

Elle rit en coeur avec Shoji, qui conduisait tranquillement. Ils n'étaient qu'à une dizaine de minutes de l'Ayakashi Kan. Le reste du trajet se déroula calmement, entre les blagues de Kyan et les réponses ironiques d'Aya. La voiture finit par s'arrêter et Shoji descendit pour aller ouvrir la porte à Aya.

- Si mademoiselle veut bien...
- Crétin, tu sais que j'ai horreur quand tu fais ça.

Elle sortit, la tête haute et observa l'immense bâtiment se dressant derrière la grille. Son nouveau lieu de vie. Sa respiration s'accéléra tandis que le rouge venait colorer ses joues, témoins de son excitation. Son nouveau lieu de vie, sa nouvelle aire de jeu. Elle en aurait presque glousser si les deux autres n'avaient pas été là. Elle prit son sac et le mit sur son épaule, s'avançant en congédiant rapidement les deux yakuzas, laissant les autres sortir ses cartons du camion. D'après ce qu'on lui avait dit, elle vivrait dans la chambre n°3, étage 3. Logique. Elle s'avança jusqu'au bâtiment et entra après une légère hésitation dans ce qui lui semblait être le hall d'entrée. Elle posa son sac sur le sol et regarda autour d'elle. C'était assez luxueux, mais vide. Elle ne voyait personne. Quand devait-elle rencontrer son propre Secret Service ? Elle l'ignorait.

Elle resta là, hésitante, ne sachant si elle devait aller à sa rencontre, aller dans sa chambre directement ou bien.. ?
Elle croisa les bras.
Sa nouvelle vie commençait bien étrangement.

Yo Tachibi ”
Rencontre entre le nain et la sorcière.

Un bruit de course. Ce fut la première trace de vie qu'elle remarqua dans l'établissement. Ravie, elle redressa son buste, ses cheveux noirs balayant le milieu de son dos, et elle attrapa rapidement la lanière de son sac sur le sol, le soulevant. C'était un sac en cuir brun, venant des Etats-Unis, son père le lui avait offert pour ses dix-sept ans. Cela faisait un bout de temps qu'elle le possédait, et il était très précieux pour elle, malgré le fait qu'il soit usé désormais, trimballé d'un bout à l'autre du Japon durant ses voyages pour le compte du clan. Souriante, ce qui ne la rendait pas pour autant aimable, Aya attendit que déboule la source du bruit, les yeux fixés vers le fond du couloir. Quelle que soit la personne arrivant, elle se promit de la remercier mentalement d'être arrivée à point nommé pour qu'elle ne se sente pas trop idiote.

Et en effet... Ce fut le cas. Le bruit arriva enfin au détour du couloir, mais n'était pas à la hauteur de ses espérances, et ce sans jeu de mot malgré la taille minuscule du garçon qui lui faisait face. En la voyant, il parut freiner et dans une action ridicule, digne d'un pathétique film comique américain, il se prit avec maladresse les pieds dans le tapis et s'étala de tout son long devant elle, bras en avant.

Sans manifester le moindre signe de surprise, bien qu'elle mourrait d'envie de rire devant le ridicule de la scène, Aya garda le visage impassible et les bras croisés, observant son vis-à-vis. C'était un garçon dont la taille laissait présumer qu'il devait avoir dans les douze ans, mais en observant plus attentivement son corps et sa musculature, du peu qu'elle en voyait étant donné la position de celui-ci, elle l'estimait à un peu plus de treize ans, quatorze allez.

Il avait une bouille ronde, que les gens devaient juger adorable mais qu'elle ne voyait que comme un artifice pour détourner l'attention, de grands yeux noirs bien japonais, véritable abîme sans fond. Sa chevelure d'un blanc immaculé, couleur étonnante pour un garçon de cet âge, mais avec elle on n'en était pas à une bizarrerie près, hérissés sur sa tête, et, peut-être plus étonnant que les cheveux blancs, un tatouage rouge était sur son front. Considérant les siens aux avant-bras, Aya s'étonnait qu'un gosse en ait. Elle ne pensait pas qu'il était un yakuza, le tatouage ne ressemblait à rien de connu, et dans les clans traditionnels comme modernes, on tatouait à la majorité et pas avant. Elle en conclut donc qu'il devait être naturel, sûrement de naissance. Et donc, que ce garçon était tout comme elle, de descendance Youkai.

Il se releva lentement, époussetant ses vêtements d'un air gêné, elle aurait presque pu avoir pitié. Mais elle n'avait jamais pitié. Elle attendit patiemment qu'il relève les yeux vers elle, et il la surprit en mettant simplement ses mains derrière sa tête, comme si rien ne venait de se produire. Elle arqua légèrement un sourcil mais se contenta de répondre au sourire gêné et ... comment décrypter ? Content ? Il était content ? Peut-être un masochiste, elle se contenta donc d'y répondre d'un simple étirement des lèvres, dépourvu de sympathie.

Le nain finit malgré tout par prendre la parole, brisant le silence d'une phrase, qui, l'ignorait-il sans doute, allait déclencher bien plus de vagues qu'il ne l'aurait pensé.

- Eto... Bienvenue. Je suis Tachi Karyu. Je suis ton Agent SS. Ureshiku!

Elle le regarda froidement, laissant le temps à son cerveau d'analyser et de comprendre chaque mot prononcé. Il lui souhaitait la bienvenue ? OK. Il se présentait ? OK. Normal jusque là. La phrase suivante la rebutait légèrement. Je . Suis . Ton . Agent . SS .
Elle écarquilla les yeux, sentant poindre un immense fou-rire désabusé, teinté de fureur sûrement.
Elle le regarda le plus froidement possible, se concentrant pour ne pas craquer et se mettre à tabasser ce petit.

- C'est une blague j'espère ?

Elle secoua la tête, inspirant profondément, et répondit à sa propre question d'un ton contrit.

- Non ça n'a pas l'air d'en être une, je savais que tu étais petit... Mais à ce point là... Tu caches bien ton jeu.

Elle haussa les sourcils et lui offrit un sourire crispé.

- Je manque à tous mes devoirs ! Merci de me souhaiter la bienvenue, je suis Aya Ishikawa, et je suis à présent ton Maître. Hajimemashite Karyu-san.

Elle hésitait à présent entre la colère et la résignation. Après tout, qui disait nouvelle vie disait nouveau point de vue. Peut-être devait-elle se montrer plus souple... Ou plus intelligente. En ne s'énervant pas tout de suite, elle avait encore une chance de s'en faire un allié. Elle inspira donc un grand coup et lui offrit un large sourire.

- Et si tu me faisais visiter ?